Mémoire autobiographique

Dès la naissance, chacun(e) d’entre nous est exposé(e) à un monde rempli de sensations et d’information. Toutes ces expériences – notre premier baiser, le doux vent de l’été, des endroits familiers, de tristes adieux – ont le potentiel de se transformer en souvenirs autobiographiques.

 

 

 

 

 

Ce n’est pas toujours le cas, bien sûr.

Les scientifiques ont longtemps été intéressés à ce dont nous nous rappelons du passé, et pourquoi. Par contre, déterminer comment étudier la mémoire autobiographique présente un problème.

Plusieurs autres types de mémoire sont évalués au laboratoire au par des expériences méticuleusement planifiées, un véritable travail de fourmi. Ceci ne représente pas la meilleure stratégie pour les souvenirs "épisodiques", qui sont formulés au fil du temps et partout sur le chemin.

Sir Francis Galton, psychologue anglais du 19ième siècle, a inventé une méthode simple pour étudier la mémoire autobiographique, dont une version modifiée est encore utilisée aujourd’hui. Il décida d’aller à la pêche aux souvenirs associés à une liste de mots communs. Il lança quatre fois son filet de mots, en utilisant les mêmes indices afin de capturer ses souvenirs.

Galton a découvert qu’il était difficile de préciser le moment exact de l’événement. Il a également trouvé que son cerveau présentait les mêmes associations de façon répétitive. "Ceci démontre beaucoup moins de variété dans la banque mentale d’idées que je ne l’avais estimé," expliqua-t-il, "et nous rassure que les voies de nos esprits sont profondément gravées en nous."

Dans les années 1970, des chercheurs ont modifié la méthode des mots clés de Galton, et l’ont utilisée pour étudier la distribution de souvenirs autobiographiques au fil du temps. Ils ont trouvé que les étudiants évalués rapportaient beaucoup plus de souvenirs provenant du passé récent que du passé distant, supportant ainsi la "loi de puissance de l’oubli". La loi, qui se base sur de nombreuses études par rapport aux autres types de mémoire, prédit que la majorité des informations seront oubliées peu après l’apprentissage. En fait, un graphique représentant la relation entre l’oubli et le temps ressemblerait à une pente raide. Le taux d’oubli se stabilise éventuellement, selon la loi, nous laissant avec une base de connaissance minimale mais stable.

À mesure que l’espérance de vie moyenne continua à augmenter, et que l’intérêt envers les changements reliés au vieillissement s’intensifia, les psychologues commencèrent à étudier des souvenirs autobiographiques rapportés par des gens d’âge moyen et avancé. Imaginez leur surprise lorsqu’ils ont découvert une ligne cahoteuse au lieu d’un déclin linéaire.

Le trajet difficile commença avec une période de cinq ans d’amnésie infantile, pendant laquelle peu de souvenirs autobiographiques ont été rapportés, et fut suivie par une forte augmentation des souvenirs correspondant au passé récent.

Cependant, personne ne s’attendait au "pic" de réminiscence important de l’adolescence et de la période jeune adulte. De plus, contrairement à plusieurs autres types de mémoire qui changent avec l’âge, la disponibilité d’un grand nombre de souvenirs provenant des années du pic semble demeurer constante pour les adultes en bonne santé jusqu’à ce qu’ils soient quasiment centenaires.

Les chercheurs aimeraient bien expliquer le "pic", mais ils ne peuvent s’entendre sur sa cause. Une théorie discréditée suggère que le pic, ou "l’effet de réminiscence", reflète simplement le fonctionnement du cerveau, et que la raison pour laquelle plusieurs souvenirs sont préservés lors de ces années est que le cerveau est à son niveau de fonctionnement optimal. Une autre théorie veut que plusieurs événements sont nouveaux et excitants pour les jeunes, et qu’il y a moins de chances que d’autres expériences semblables puissent interférer avec l’apprentissage ou la mémoire. Une troisième hypothèse suggère que les gens établissent leur identité sur la base d’expériences vécues lors de l’adolescence et dans la vingtaine, et que moins de nouveaux souvenirs doivent être incorporés à cette identité une fois que cette dernière a été établie.

Il est clair qu’il existe plusieurs raisons de se rappeler de son passé.

Parfois nous nous remémorons intentionnellement, comme lorsque nous partageons de vieilles histoires avec nos amis et les membres de notre famille. Raconter des histoires dans un environnement social est un ballet sophistiqué enseigné aux enfants en début de vie.

Certains événements sont tellement surprenants et importants qu’ils deviennent des repères temporels. Par exemple, plusieurs personnes peuvent se rappeler exactement où ils étaient lorsqu’ils apprirent que John F. Kennedy avait été assassiné, qu’un homme avait marché sur la lune, ou que des avions avaient frappé le World Trade Center.

D’un autre côté, les souvenirs peuvent se présenter de nulle part, convoqués par des nuances aussi éphémères qu’un sentiment familier. "L’odeur et le goût des choses demeurent là pour longtemps, comme des esprits, prêts à nous rappeler," l’a décrit le romancier français Marcel Proust.

Des études ont également démontré que les souvenirs autobiographiques ne sont pas nécessairement précis, mais qu’ils sont plutôt des constructions créatives qui peuvent changer au fil du temps afin de se tenir à jour dans de nouvelles circonstances. De plus, la maladie ou le traumatisme peuvent affecter l’habileté de se rappeler des individus qui ont participé aux événements, des détails de ces événements, et des périodes de vie durant lesquelles les situations se sont produites.

 

L'exercice du cerveau